Montagne d’Or : investir l’argent public sur les filières existantes

Télécharger le communiqué de presse du 25 juin 2018

 

Emplacement de la Montagne d'Or en Guyane
Emplacement de la Montagne d’Or en Guyane

Le chantage à l’emploi est un argument non recevable pour justifier le projet de Montagne d’Or.

Les acteurs favorables à la Montagne d’Or mettent en avant la création de 800 emplois directs dans un contexte de taux de chômage élevé. Mais ces emplois ne sont promis que pour une dizaine d’années, vont nécessiter un coût d’investissement public par emploi très élevé, et de surcroît ne trouveront peut-être pas assez de candidats intéressés pour exercer cette profession.

En effet, précisons que ces emplois s’adresseront en priorité à des hommes jeunes, et seront situés très loin des centres d’habitation. Or, sur les 22500 demandeurs d’emploi en fin de mois : 9500 seulement sont des hommes, un quart ont plus de 50 ans, et un tiers sont en demande d’emploi depuis plus d’un an. Sans compter le fait que la quasi-totalité des demandeurs d’emploi habite de facto loin de la future mine. Dans ces conditions, combien seront-ils à accepter les conditions de travail proposées par la Compagnie de la Montagne d’Or ?


D’autres politiques publiques de soutien à l’emploi existent et sont bien plus efficaces.

DEFM-Guyane-2018T1La Guyane est un département en plein boom démographique, avec une économie essentiellement tertiaire, et des besoins qui augmentent proportionnellement à la population. La croissance de la population active -forte de +1000 personnes par an environ- est ainsi absorbée par la création d’emplois nouveaux, ce que traduit la stabilité du nombre de DEFM depuis 2015.
On peut ainsi anticiper que les besoins en emplois dans les secteurs marchand (commerce, transports, services) et non marchand (éducation, santé) continueront de progresser. Aussi, l’accent doit être mis sur l’exercice de ces métiers, qui sont durables et répondent à la diversité des attentes et compétences de la population, ainsi que sur les formations permettant de les exercer.
En plus de cette évolution tendancielle du marché de l’emploi, des filières déjà existantes peuvent offrir des débouchés en emploi importants, et à un coût bien moindre que l’exploitation aurifère :

– le secteur de la pêche mériterait d’être davantage soutenu, en favorisant les investissements en navires et équipements de pêche, et en structurant la filière de transformation des produits de la mer. Le secteur représente aujourd’hui 800 emplois directs, et 2400 indirects. De même pour le secteur agricole.

la filière bois, qui emploie actuellement 830 personnes, dispose d’un potentiel de développement très important tout en maintenant une exploitation durable, tant en dans la partie amont que dans la transformation du bois. En particulier, les débouchés sont grands pour répondre à la demande locale dans la construction et développer la filière biomasse.

le BTP représentent 10% des salariés et 17% des entreprises de Guyane. Avec environ 2000 mises en chantier par an, on reste encore loin des 4000 à 5000 mises en chantier nécessaires pour répondre aux besoins créés par la croissance démographique. Sans compter la rénovation et l’entretien du bâti existant.

le tourisme. Il ne représente aujourd’hui que 5% des effectifs salariés. Si le tourisme d’affaires (et de courte durée) reste prépondérant (48%), suivi par le tourisme affinitaire (33%), il reste 17% de personnes qui viennent pour du tourisme d’agrément. Ces trois cibles de touristes méritent d’être développées, via une montée en gamme et une diversification de l’offre touristique. L’objectif affiché des pouvoirs publics en matière touristique est de représenter 10% du PIB et 7500 emplois directs (et autant d’indirects) en 2024.

Ainsi, ne serait-ce que dans ces quatre secteurs, le gisement d’emplois additionnels est important. Si en l’espace de 5 ans on parvient à doubler les emplois dans le tourisme (pour atteindre 7500), et qu’on augmente de 50% les 5000 emplois dans la pêche, le BTP et la filière bois, on aura ainsi créé 6000 emplois supplémentaires, soit 1000 par an, et bien plus que les 800 emplois promis par l’exploitation de la Montagne d’Or. Ces emplois seront durables, respectueux de leur environnement, et permettront de renforcer la résilience de l’économie guyanaise. Qui plus est à un coût public bien moindre que les emplois subventionnés dans la mine (566 000 € par emploi d’après le WWF).


Nous demandons à l’Etat de renoncer à ce projet et, à la place, de renforcer son investissement et son accompagnement dans les filières traditionnelles, bien au-delà des engagements du plan  d’urgence du 21 avril 2017, car ces filières sont riches en emplois pérennes et de qualité.
Pour un investissement moindre, le potentiel d’emplois à créer serait 4 à 5 fois plus élevé, et l’argent public mieux utilisé.

 

Benoit Chauvin, pour Objectif Transition.

Toutes les données sont issues du rapport de l’IEDOM 2016, ainsi que du site de la DIEECTE.