Plastique: en Méditerranée la soupe est épaisse …. et si on interdisait les bouteilles ?

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Le but initial et principal de mon blog était de lutter contre l’extraction « off-shore » d’hydrocarbures en Méditerranée. Or le pétrole s’y trouve déjà largement sous une autre forme.

Une récente étude sérieuse qui nous vient d’Italie (publiée dans « Nature ») vient de faire un point sur ce sujet. Elle s’intitule « la soupe plastique méditerranéenne, polymères synthétiques dans l’eau de surface de la Méditerranée » . Une centaine de pages en anglais, si cela vous tente http://www.nature.com/articles/srep37551

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                         crédit photo: Achim Gertz

Quelques chiffres pour planter le décor : la production mondiale de plastique atteint 300 millions de tonnes en 2015 et pourrait quadrupler d’ici 2050. 40 % de cette production sont destinés aux produits à usage unique, jetable ou à recycler. 20 % de la production mondiale de pétrole sert à fabriquer de la matière plastique. 92 % des particules de  plastique qu’on trouve en mer ont une taille inférieure à 5mm.

Dans l’étude sus-mentionnée les chercheurs tirent la sonnette d’alarme et je pense qu’il est grand temps de mobiliser.

Dans un premier temps l’étude analyse ce qu’on trouve en ‘diversité plastique’ dans la belle bleue pour ensuite étudier sa répartition géographique. (en méditerranée occidentale)

  1. Qu’est ce qu’on y trouve ? Inutile de traduire : « Low-density polymers such as polyethylene and polypropylene were the most abundant compounds, followed by polyamides, plastic-based paints, polyvinyl chloride, polystyrene and polyvinyl alcohol. Less frequent polymers included polyethylene terephthalate, polyisoprene, poly(vinyl stearate), ethylene-vinyl acetate, polyepoxide, paraffin wax and polycaprolactone, a biodegradable polyester reported for the first time floating in off-shore waters. » Belle diversité donc, à peu près tout ce que notre civilisation produit avec les hydrocarbures.
  2. En quelle quantité ? Le journal « Corse Net Info » résume : « Les valeurs relevées dans le mare nostrum, tout près de nos côtes, sont même supérieures à celles des très polluées « îles en plastique » du Pacifique, une superficie d’environ un million de kilomètres carrés où les courants océaniques accumulent les déchets. Dans l‘Océan la densité de fragments de plastique est 335 mille par kilomètre carré. En Méditerranée, les fragments des déchets dépassent le chiffre de 1,25 million par km carré. »
  3. La répartition de ces microparticules est très inégale en Méditerranée. Vents et courants ont été étudiés et donnent cette carte avec des records entre les côtes Corses et Italiennes ou on trouve jusqu’à 10 kg de plastique par km2.srep37551-f3

Se posent deux questions : quelles conséquences/impacts ? et que pouvons nous faire ?

Les impacts commencent à se préciser : Les macro-déchets plastiques agissent sur les animaux marins (poissons, cétacés, tortues, oiseaux) directement par étouffement ou obstruction de l’appareil digestif . De la taille du plancton, les micro-déchets sont par contre largement présents dans la chaîne alimentaire, dans les poissons y compris les poissons de grand fond. Par bioaccumulation et bioamplification leur concentration augmente au fur et à mesure qu’on remonte la chaîne alimentaire. Les effets sur la santé des organismes marins et in fine également sur le consommateur humain ne sont pour l’instant que peu étudiés. La vrai toxicité du microplastique pourrait venir davantage des additifs utilisés dans la fabrication de celui ci que du morceau même : phtalates, bisphénols, retardateurs de flamme, PCB ….. sont des perturbateurs endocriniens qui agissent sur l’équilibre hormonal, altèrent la croissance et ont des effets sur la reproduction.

Pour en savoir plus (article avec de nombreux liens) https://myboocompany.fr/plastique-consequences-de-la-pollution-sur-la-biodiversite/

Alors, que faire ? L’élimination du plastique présent durera des dizaines, voire des centaines d’années. Il s’agit maintenant d’en ‘rajouter’ le moins possible. C’est la qu’on trouve le triptyque habituel : information, sensibilisation, répression. Les pays signataires de la convention de Barcelone, le parlement européen et même le G7 appellent à une « prise de conscience » et à  l’élaboration de plans de prévention des déchets littoraux et marins ….. mais on ne voit rien venir. Il est plus que temps de passer aux actes. La France vient d’interdire la fabrication et l’utilisation des sacs en plastique à usage unique. Bien que largement contournée et adoucie par un intense lobbying (les sacs de caisse d’une épaisseur supérieure à 50 microns restent autorisés, considérés comme ‘réutilisables’) cette loi est un pas dans la bonne direction qui devrait s’étendre le plus vite possible à d’autres pays du pourtour méditerranéen.

Je vous propose aujourd’hui d’aller plus loin et d’envisager l’interdiction des bouteilles ‘jetables’ (= souvent jetées, bien que recyclables). Ceci est déjà le cas dans certaines villes et la plupart des parc nationaux américains , partiellement à San Francisco, bientôt à Montréal, ainsi que plus proche de nous dans le parc des « cinq terres » en Italie. On n’y  entre qu’avec des gourdes …. Bien évidement, une branche non négligeable de notre industrie pétrolière et d’eau minérale vit de cette bouteille molle, mais elle fait tellement de dégâts qu’il faut trouver un moyen d’y mettre fin.

Le taux de recyclage des bouteilles en plastique stagne en France et plafonne à 50 % (70% pour le verre) ce qui veut dire que 50 % finissent en décharge, dans un incinérateur ou … dans la nature. La consignation pourrait améliorer ce taux mais ne réglerait pas tout. Bien que radicale, un abandon rapide de la bouteille en plastique en faveur de celle en verre semble être la seule solution pour débarrasser nos ports et plages et donc nos mers de ce fléau. Irréaliste, utopique, trop d’emplois en jeu ? Possible, mais depuis que nous avons obtenu un moratoire sur le forages off-shore en méditerranée française je pense qu’on doit continuer à rêver …;-)

En attendant, et pour rester plus ‘raisonnable’, instaurons par exemple un module de ‘sensibilisation’ de quelques heures dans le milieu  scolaire . Les enfants sont l’avenir de la planète ! Une activité périscolaire de ramassage de déchets sur nos plages serait une activité utile dans les écoles des communes littorales. Rien de tel pour sensibiliser la jeunesse. L’encadrement pourrait se faire par des bénévoles de la fondation Surfrider par exemple, qui organise déjà des opération de ce type.Sur le plan administratif je verrais bien des adjoints aux maires de ces mêmes communes, spécialement dédiés à la propreté du littoral . Un petit peu de répression quand même : à quand des ‘brigades environnementales’ dans les polices municipales ?

Bref, il faut faire vite, autrement la soupe de plastique deviendra rapidement trop épaisse. Vos commentaires ou idées sont les bienvenus.

Verre, plastique, taux de recyclage  …. http://www.consoglobe.com/verre-plastique-recycle-ecologique-cg

Achime Gertz

Article initialement publié sur Permis Rhône Maritime