Et si Beaumarchais avait vécu en 2012 ?

Dans les tous prochains jours, Pierre Lescure présentera donc son rapport au gouvernement, afin de trouver une réponse au « douloureux » problème lié à la HADOPI, suggérant les évolutions souhaitables pour cette institution, tant honnie par les internautes. Le véritable problème, cette épine du pied difficile à retirer, ce n’est ni plus ni moins que cette éternelle question du droit d’auteur, comment l’appliquer, comment la faire respecter, et donc comment la perpétuer à l’ère du numérique où tout est téléchargeable, ou presque…
Je voudrais revenir sur un point déjà évoqué, celui de l’abandonware, dont le modèle non lucratif par excellence semble fonctionner sans nécessité d’être reconnu par la loi. Tout est question d’entente entre les developpeurs / Editeurs et les utilisateurs /fans.

 

En tout premier lieu, remontons dans le temps, dans notre belle histoire de France, quant en 1777 un certain Beaumarchais, en fondant la toute première société de protection du droit d’auteur (la SACD, toujours existante) , donne ainsi naissance au droit d’auteur en France. Si l’on en croit les quelques infos disponibles en source (voir plus bas), mais qui paraissent logiques. Le but d’origine n’était que de protéger la paternité de l’oeuvre écrite d’un part, et d’empêcher une récupération des bénéfices jugée abusive à l’époque.

Même encore aujourd’hui, à l’ère d’Internet, il est vrai que certains sites de téléchargement illégaux profitent de leur contenus, essentiellement à travers les bandeaux publicitaires diffusés en permanence. En France nous avons eu le mini feuilleton Wawa Mania, durant lequel l’administrateur semble s’être permis quelque légères facilités de financement à travers une organisation de collecte de fonds pour assurer sa Défense durant son procès. Plus international , le cas du célèbre Kit DotCom , à la tête de MegaUpload, dont la renaissance est annoncée en grande pompe sur twitter. le pedigree du personnage serait déjà bien rempli déjà bien avant la fameuse affaire que tout le monde connait.

Le gros problème qui semble persister pour les ayants droits, ne serait qu’en fait la garantie que leur paternité et leur droits sur les oeuvres éditées et diffusées seraient respectés indéfiniement ? Il ne subsisteraient donc qu’une crainte de voir leur création « bafouée » et téléchargée pour être revendue et/ ou modifiée sans leur aval ?

Revenons en arrière, toujours concernant cette nécessité , dès le 18e siècle, de garantir ce droit. A l’époque , il n’y avait aucun moyen de faire une promotion générale du Mariage de Figaro à travers la France, si ce n’est à travers les affiches ou le bouche à oreille. A cette époque toujours, pour financer une pièce de théatre, ou la création d’une oeuvre littéraire, il falait un budget, des mécènes, il fallait l’aval du Roi (et intrinsèquement de ses soutiens…). Il fallait aussi faire attention à l’Eglise, toute aussi prompte à dénicher une phrase de trop que la Monarchie elle même.

Bref, la censure existait déjà, tout comme elle persiste aujourd’hui. La forme a juste changé.

En matière de financement , seule la Haute Bourgeoisie de l’époque , l’Eglise, et la Monarchie possédaient suffisemment de crédits pour participer financèrement à une représentation. Aujourd’hui à l’ère d’Internet, l’on voudrait nous faire croire que seuls les maisons d’éditions et de productions sont incontournables pour financer les artistes.

A travers Internet , l’artiste peut s’adresser directement à son fan. Mieux, il peut vendre directement son oeuvre à son fan. Encore mieux, il peut choisir le mode de financement de son oeuvre, notamment par exemple à travers le financement participatif (crowdfunding). Ce mode de financement permet à chaque internaute de faire un don libre pour que l’artiste / developpeur puisse produire son oeuvre, selon le montant nécessaire.

Beaumarchais s’est toujours présenté comme étant un « homme du peuple ». N’aurait-il donc pas préféré que le peuple puisse participer, de manière active, à la création de ses oeuvres que ce soit pécunièrement, ou même bénévolement ?

Et enfin , lorsque l’oeuvre s’est suffisemment vendue, ou le support ne peut plus être assuré par l’éditeur / développeur, n’est-il pas temps de la libérer dans le domaine public ?
C’est un choix qui, selon moi, ne doit pas être imposé, ou légiféré… si la notion de droit d’auteur est acceptée et reconnue, alors nous devrions admettre que ce même auteur possède le droit de la libérer, ou pas…

Dans cet esprit , le modèle de l’abandonware demeure selon moi un bon exemple . Il s’applique sur les logiciels qui ne sont plus rentables, et surtout sur les jeux videos. Le principe étant que lorsqu’un éditeur / dévellopeur considère que le support et/ou la vente dudit jeu n’est plus assez rentable pour être défendu, ce dernier concède aux sites de partage le droit de le proposer au libre téléchargement, à condition qu’il n’y ait pas de gains quelconque sur sa diffusion.

Si l’on retrace l’évolution des modes de diffusion des oeuvres culturelles, on se rend surtout compte que le principe du droit d’auteur n’est qu’un garde fou, à la base, afin d’en prévenir toute spoliation. A cet époque la crainte de contrefaçons était amplement justifiée, parceque les possibilités de traçage des oeuvres étaient moindres.

le détail qui manque probablement à la vision d’ensemble, c’est la notion de la communautés des fans, qui respectent l’oeuvre dont ils font, bien souvent bénévolement la promotion. On peut citer notamment le fansubbing pour les séries US et surtout les animés Japonais, surtout les non licenciés, dont le but premier est de proposer bénévolement une traduction des séries diffusées via les réseaux de peer to peer. Ces Fansubbers s’attanchent à respecter l’esprit de la série, à privilégier la qualité la qualité de la traduction sur le fond comme sur la forme, que ce soit depuis le générique du début jusq’aux crédits de fins.

Ce concept qui hérisse les poils du dos des « pro-téléchargement », est quasiement obsolète , ou du moins , il devient nécessaire d’être repensé. A l’époque le droit d’auteur semblait être la seule solution de préserver un équilibre entre l’auteur et son public.

Aujourd’hui cette solution nous amène au contraire à un déséquilibre total à l’ère de l’information interconnectée, d’une part parceque la notion du droit d’auteur est dévolue et biaisée, et d’autre part parce que les méthodes de contestation employées jusqu’à aujourd’hui pour le réformer n’aboutissent à rien. Les contestataires continuent de parler entre eux tout comme les ayants droits et les lobbys défendant le droit d’auteur continuent de discuter entre eux. A l’ère d’Internet, il me parait irresponsable de ne pas être capable de trouver un terrain d’entente, ou tout du moins de ne pas favoriser la discussion autour d’une table, avec l’ENSEMBLE des parties concernées.

J’espère pour ma part que M. Lescure aura la clairvoyance d’attendre qu’un tel débat nécessaire aie lieu avant de remettre le résultat de sa mission.

comprenne qui voudra…

sources :

Droit d’auteur :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Droits_d%27auteur

Beaumarchais et la SACD :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_droit_d’auteur#Gen.C3.A8se_du_droit_d.27auteur_sur_le_continent

http://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_auteurs_et_compositeurs_dramatiques

L’affaire Wawa Mania
http://jemmerde.wordpress.com/2010/08/27/jemmerde-dimitri-mader-alias-zac-de-wawa-mania/

Le cas KimDotCom
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kim_Dotcom

Financement participatif :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Production_communautaire

abandonware
http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel_abandonn%C3%A9

 

Laurent Le Besnerais pour OT